Sur les planques
Mise en musique d'Andromaque au Phénix par Esteban Fernandez
Prendre Racine
A travers ses nombreux projets, Esteban Fernandez symbolise l'offre culturelle près de chez vous. Tantôt chercheur au laboratoire de l'Espace Pasolini, on le retrouve aussi bien sur des événements de l'H de Siège ou en collaboration avec Art Zoyd. En ce début 2018, il termine une résidence au Phénix où il a été chargé de mettre en musique l'adaptation d'Andromaque par Damien Chardonnet-Darmaillacq. Avec une sensibilité propre à lui, il contribue à prouver que l'oeuvre de Racine est toujours contemporaine et qu'elle peut résonner dans les esprits de chacun

« Chacun peut à son choix, disposer de son âme », écrivait au XVIIème siècle Jean Racine dans Andromaque. Une citation qui renvoie à l'oeuvre de Esteban Fernandez, artiste chameléon, qui s'est défini par ses propres choix pour tracer son parcours. C'est avec un certain talent et une audace qu'il a su convaincre l'équipe du Phénix de le programmer en première partie de Arthur H en mars 2016. Cette porte d'entrée dans la structure écarlate ne s'est pas refermée avec ce concert, désormais Romaric Daurier et la scène nationale avaient à disposition un créatif local avec lequel ils pouvaient compter. Identifié comme un compositeur prolifique et inspiré, c'est lui qui signe la musique de l'adaptation de Andromaque par Damien Chardonnet-Darmaillacq qui se jouera à partir du 18 janvier à Valenciennes. « On s'est retrouvé avec Damien sur des points communs, dont la bande originale de Eyes Wide Shut qui est pour moi une référence », confie Esteban. Ne lui parlez pas d'habillage ni de design sonore, mais plutôt d'une autre proportion apportée par la musique.
Pour mener à bien ce projet de mise en musique, Esteban Fernandez s'est entouré du violoncelliste de Dimanche Soir, Valentin de Francqueville et de son compagnon avec lequel il travaille ses chansons, le claviériste Benoit Capelle. « Je fais des ébauches au piano et je demande à Benoit de les interpréter, on a une relation très liée, on parle beaucoup, c'est un partenaire. Valentin est une découverte, c'est notre première collaboration, et elle est très intéressante, je peux lui demander à la fois de l'impro ou des choses plus écrites ». Et on ne peut parler du travail d'Esteban sans évoquer ses nombreux instruments, véritables extensions de sa créativité, « pour Andromaque je me suis équipé d'un synthétiseur OB-6 », il nous présente son dernier jouet avec fierté.
Photos : Denis Guéguin

Avec un rythme de travail effréné, « le matin j'enregistre, et l'après-midi je diffuse », Esteban s'est inclus aisément dans la vision que Damien Chardonnet-Darmaillacq avait de la tragédie de Racine. « C'est lui qui a les clefs et qui fait ses choix », pas réellement une contrainte pour le compositeur, plutôt un axe de production qui l'a amené à explorer des pistes grâce au dialogue qui s'est instauré entre les deux hommes. « La tragédie et le théâtre classique permettent à la musique de retrouver une place essentielle » . Les extraits que nous avons pu écouter renvoient à des ambiances de science-fiction, des parties ou l'angoisse et le côté hypnotique sont renforcés par des effets de montées crescendo. Andromaque une œuvre intemporelle ? En tout cas cette adaptation tend à le prouver. De plus, rien ou presque n'est figé dans cette étude sonore, « je serai en régie et je diffuserai la musique en live, ce qui permettra de s'adapter à chaque représentation ».
Déjà porté par une envie de participer à des projets de musique de films et de courts métrages, Esteban avoue avoir pris goût à cet exercice théatral. C'est pour lui une nouvelle étape de son concept intitulé 8008, « création et enregistrement pour divers médias ». Il est actuellement en train de mettre la touche finale à l'équipement de son lieu de travail à Anzin qui sera selon ses termes « multi-facettes ». D'ici là Andromaque sera joué les 18 et 19 janvier et du 23 au 27 au Phénix pour ensuite prendre la route de Maubeuge les 30 et 31.